Mettre les élèves en activité, leur donner la parole, les faire travailler en équipe, autant de pratiques intéressantes d’un point de vue pédagogique mais qui génèrent, par nature, un bruit plus important dans la classe que lors d’exercices individuels ou d’explications avec prises de notes…
Cette modification de l’environnement sonore peut s’apparenter à une nuisance, qui freine et gêne le travail aussi bien des élèves que des adultes. Une forte exposition au bruit peut d’ailleurs être signalé dans le RSST.
Il existe pourtant des outils qui permettent de limiter le bruit, par la modification de l’environnement de la classe mais aussi par l’adoption de postures adaptées.
– Article issu du blog Ressources du Sgen-CFDT –
Des aménagements pour améliorer l’ordinaire
Commençons par rêver un peu… et par imaginer des espaces de travail conçus pour absorber le bruit, du mobilier pour réduire les grincements et les bruits secs, pour amortir le son sans perdre le contact visuel, des matériaux doux au toucher et choisis pour leurs qualités phoniques. Utopique ? En partie, mais en partie seulement.
Les collectivités locales et l’institution scolaire commencent à prendre en compte la question de l’ergonomie et du bien-être dans la réflexion lors de rénovations ou de construction de bâtiments. Il est possible de saisir ces occasions pour construire des espaces de travail plus conformes aux besoins des usagers, adultes et enfants. Dans les académies, les Cardie, les DANE, avec l’appui de réseaux nationaux comme le Future Classroom Lab ou Archicl@sse peuvent accompagner et soutenir ces réflexions.
Mais il est possible de modifier son environnement sonore sans plus attendre et sans couler le budget de l’école ou de l’établissement :
- poser des voilages translucides aux fenêtres, ou des stores, non pas pour couper la vue mais pour éviter le rebond des voix sur le verre…
- si la configuration de la salle le permet, installer un rideau de fils ou en plastique transparent qui puisse séparer la classe en deux parties visibles par les adultes mais distincts en terme d’espaces sonores
- suspendre au plafond des cubes en carton (ou les faire construire par les élèves, géométrie dans l’espace quand tu nous tiens) ou encore mieux en feutrine ou en mousse plastique légère comme isolation acoustique, qu’on peut assortir avec des boules en papier de différents formats et couleurs
- récupérer des balles de tennis, les percer pour les mettre au pied des chaises afin d’amortir les chocs et les sons lors des déplacements
- pour les enregistrements de productions orales, fabriquer des caissons portatifs comme celui conçu par Madame Valérie ou bien de « cabines » pour s’isoler temporairement
Ces petits « trucs » vite installés peuvent permettre de démontrer l’intérêt de tels aménagements aux collectivités locales et de préparer le terrain à des investissements dans des équipements plus résistants mais plus onéreux.
La mesure du volume sonore avant et après, mais aussi des questionnaires sur le ressenti des élèves et des adultes en terme de confort, de fatigue auditive, sont des indicateurs qui soutiennent les projets en démontrant leur utilité.
Il serait évidemment intéressant de travailler avec des matériaux de récupération, de faire participer les élèves et leur famille dans la recherche de solutions mais aussi dans leur fabrication. Le développement des fabs labs peut favoriser cette collaboration. Mais attention aux normes de sécurité, il faut vérifier auprès des communes ou des chefs d’établissement que vous pouvez suivre cette piste.
Changer les postures pour faire baisser le bruit
Au-delà des questions physiques, les pratiques choisies, l’instauration de rituels, la modification des postures dans la classe influe fortement sur le niveau sonore. Lequel niveau sonore peut aller de la simple gêne ponctuelle à un empêchement d’apprendre, voire une souffrance (en témoigne le schéma ci-dessous).
La première des choses à faire me semble être par conséquent de sensibiliser les élèves à la question du bruit, celui qu’ils génèrent, celui qu’ils subissent aussi. Pour cela, il existe différents sonomètres qui permettent de mettre en évidence le volume, de sortir du ressenti pour aller vers des constats partagés :
- en ligne, gratuits et simples à utiliser, des sites comme Bouncy Balls ou Classroomscreen, testés et approuvés par mes soins en lycée sur conseil de collègues de primaire, mais qui ont pour inconvénient de coloniser le vidéoprojecteur ou le tableau interactif au détriment d’autres affichages ;
- des applications à installer (Android) comme le sonomètre de Idea4e, qui bénéficie d’un design adapté aux enfants plus petits, ou celui de Smart Tools pour lequel, bonus, Une prof de français a partagé une démarche détaillée sur son utilisation dans un cadre pédagogique ;
- un vrai « feu rouge » lumineux, présenté par Fiches de prep, assez cher mais qui peut être un investissement intéressant si vous avez le budget et que vous souhaitez libérer votre vidéoprojecteur ou ne disposez pas d’appareils portables dans la classe.
Une fois acquise la conscience du volume sonore engendré par telle ou telle activité (bavardages inclus) il est plus aisé de demander à chacun dans la classe de contribuer au bien-être auditif de tous, de prendre sa part dans le climat de la classe, d’aider à la concentration…
La toile fourmille d’affichages, d’astuces sur ce sujet, mais voici mes préférés, là encore je me suis appuyée sur l’expérience des collègues professeurs des écoles et, sans surprise, à condition d’être clairs sur notre objectif qui est bien que chacun puisse apprendre dans les meilleures conditions possibles, et sur la méthode qui vise à responsabiliser l’ensemble des personnes réunies dans une salle de classe, il est parfaitement possible d’adapter ces pratiques en collège et en lycée.
Pour fixer les règles et cesser de crier pour obtenir le silence, ce qui fonctionne finalement assez rarement, j’ai adopté l’affichage du sémaphore, venu des pédagogies nouvelles. Il ne s’agit pas d’infantiliser mais de trouver un mode de communication simple et efficace, d’instaurer des réflexes partagés, et de montrer la consigne plutôt de hausser le ton dans un environnement déjà saturé…
En début d’heure nous sommes systématiquement en code rouge, afin de se rendre disponible pour les consignes de travail de la séance. Ensuite, nous varions en fonction des besoins. Parce que je ne les vois que très peu dans la semaine, je n’ai pas instauré de « métier » et je fais moi-même la régulation. Mais force est de constater que plus le temps passe et plus ils prennent de bonnes habitudes.
Dans le même ordre d’idées, ne pas forcer ma voix pour ne pas alimenter le désordre sonore, depuis plusieurs années j’ai pris le pli, sans trop y réfléchir mais avec un certain succès, d’agiter doucement mon trousseau de clefs pour signaler que le volume est en train de monter de manière exagérée, et qu’il faut baisser le son.
Suite à un stage sur la coopération avec les Cahiers pédagogiques, j’ai investi dans un triangle dont je trouve le son très agréable, mais dans les faits je ne parviens pas à l’utiliser, pour des raisons purement matérielles. Comme je change de salle sans cesse, je suis obligée de ranger les deux « morceaux » de l’instrument dans un étui qui glisse bien souvent au fond de mon cartable, autant dire qu’il y est très souvent oublié.
Dernière évolution, et de taille, une organisation spatiale en îlots est devenu plus systématique, mais plus encadrée aussi en terme de fonctionnement, et donc de bruit. En retravaillant les rôles proposés par Rémi Massé via le site FlipMusicLab, j’ai peu à peu introduit le principe des îlots dits ludifiés :
- des équipes de quatre élèves ;
- quatre rôles (secrétaire, orateur, expert, animateur) qui tournent fréquemment pour que chaque élève ait pu assumer chacune des missions au cours d’une séquence pédagogique donnée, en plus de fournir le travail demandé ;
- du travail en équipe, mais pas uniquement : la disposition en îlots facilite l’entraide et le travail partagé, ce qui n’empêche pas que certaines tâches sont purement individuelles, donc doivent se faire dans le plus grand silence… #CodeRouge
Ce dispositif n’est pas utilisé toute l’année : il y a d’abord d’une phase de rencontre et d’apprivoisement de chaque classe, de constitution du groupe. Ensuite je mets les îlots en place, ce qui permet de ritualiser des pratiques, et pour ce qui concerne l’ambiance sonore, de la maîtriser progressivement. En général, en fin d’année, je varie les dispositifs, mais pour ce qui concerne le bruit, je remarque que même en classe entière, même en autonomie, les élèves y prennent plus attention et qu’il est plus facile de faire revenir à un niveau acoustique propice au travail.
Des pistes à explorer
Je pense pour la rentrée prochaine adapter le schéma des niveaux de voix proposé par le site Filleafossettes et le transformer en fiche fournie aux élèves en début d’année pour disposer d’un vocabulaire partagé et établir de manière plus facile le diagnostic du bruit dans la classe.
Par ailleurs, après des recherches sur la toile, je n’ai pas trouvé le tutoriel de mes rêves qui pourrait montrer à mes élèves comment chuchoter sans forcer sur les cordes vocales. Difficile de présenter telle quelle à mes presque adultes la célèbre (et certainement très efficace avec les plus jeunes) comptine Chuchoti Chuchota de Charivari…