Adultisation

Et si au lieu d'infantiliser les adultes (et les enfants), on adultisait les enfants (et les adultes) ? Du chou, des marrons et des carottes...

Rentrée en musique (toujours la même)

En cette rentrée scolaire, les exemples d’infantilisation fleurissent (les marronniers, c’est de saison…) :
– le parent pauvre ne sait pas comment dépenser son argent correctement, il faudrait lui donner des bons d’achat pour des cahiers 24×32 petits carreaux sinon il va acheter un écran plat (ce qui est faux, selon cette étude de la CAF).
– dans les collèges et lycées, certains personnels de direction attendent encore le jour de la prérentrée pour donner leur emploi du temps aux profs sinon ils ne vont rien écouter à la réunion et ils risqueraient de venir négocier.
– le télétravail, c’est dangereux parce qu’on ne pourra plus vérifier ce que les agents font, ni comment ils le font.
– les professeurs français sont encore inspectés individuellement avec comme carotte un petit avancement de carrière ou comme bâton le jugement de quelqu’un qui est passé une heure dans la classe et a le pouvoir d’évaluer en quelques lignes dévastatrices votre rigueur ou le niveau de votre ambition pour vos élèves… Nous sommes le dernier pays européen à pratiquer l’inspection individuelle et l’avant-dernier à l’avoir supprimée, c’est la Pologne en 2009…
– vous souhaitez améliorer le niveau scolaire et motiver les enseignants ? Introduisez de la concurrence au recrutement pour obtenir un poste intéressant (vous avez déjà participé à des constitutions d’équipes en EPS où on fait chou-fleur, chou-fleur, ensuite ce sont les deux chefs qui choisissent chacun leur tour et vous êtes choisi·e en dernier ?).

Motivé·e

Un point commun à ces situations : ignorant·e, incompétent·e et fainéant·e, quelqu’un sait mieux que vous ce dont vous avez besoin, et va vous le prescrire. Et si jamais vous vous motivez pour travailler, cela ne sera que pour une reconnaissance externe (argent, médaille, palmes…). Or, justement, on devient adulte quand on en a de moins en moins besoin de cette carotte et que la satisfaction interne d’évoluer, de comprendre, de découvrir quelque chose de nouveau, de se dépasser soi-même*, se suffit à elle-même.
Et si on ne nourrit pas cette forme de motivation, le risque est grand de tomber dans un cercle vicieux de l’infantilisation, magnifiquement illustré ci-dessous.
Adultisation

Oui, mais comment ?

Alors concrètement, comment peut-on encourager et nourrir cette forme de motivation que Daniel Favre appelle la motivation d’innovation (SM2, Système de motivation 2) ?
– En se basant sur la confiance et pas sur le contrôle et la suspicion en matière de dépenses, comme nous y invite Marie-Aleth Grard d’ATD Quart Monde dans cette tribune. Elle rappelle d’ailleurs malicieusement que c’est ce que recommande Bruno Le Maire quand il s’agit des aides de l’État aux entreprises…
– En misant sur la transparence et la concertation dans les établissements, qui peuvent produire de l’intelligence collective si les besoins et contraintes des uns et des autres sont partagés.
– En pratiquant la confiance a priori, qui ne se confond pas avec la confiance aveugle parce qu’elle va de pair avec le fait de rendre compte.
– En supprimant l’inspection individuelle et en instaurant des auto-évaluations d’établissements avec l’accompagnement (bienveillant) d’inspecteurs qui pourraient alors devenir des « amis critiques ».
– etc.

Dès que les professeurs commencèrent à le traiter en bon élève il le devint véritablement : pour que les gens méritent notre confiance, il faut commencer par la leur donner. Marcel Pagnol

*Encore que… une fois que je me suis dépassé moi-même, qu’est-ce que je fais ? Je m’attends ? 😉