Suite à la réunion publique organisée jeudi 25 janvier par les listes « Pour une université solidaire, ambitieuse, forte et fédératrice » et Sgen-CFDT, il est indispensable de publier une mise au point sur ce qu’est un EPE, les types de structurations qu’il autorise, et notre projet pour l’UB
Contexte
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Pourquoi l’obtention d’un double siège à la Comue était illusoire
Il n’est pas possible pour un établissement public, légalement, d’avoir deux sièges, a fortiori dans deux départements différents. Tous les juristes consultés sur cette question ont été unanimes, y compris au ministère de l’enseignement supérieur et à Matignon.
Un double siège rendrait en effet impraticables la représentation, le pilotage, l’administration de l’établissement public. Pour ne donner qu’un seul exemple, comment déterminer, en cas de recours pour excès de pouvoir ou de recours de plein contentieux devant le juge administratif, la juridiction compétente en cas de double siège ? La compétence juridictionnelle est en effet déterminée, dans de nombreux cas, par référence au siège de l’autorité qui a édicté la décision litigieuse, et les règles en cause sont dites « d’ordre public » c’est-à-dire absolument incontournables (« indisponibles » c’est-à-dire insusceptibles de faire l’objet d’une convention, ou d’un aménagement statutaire). Or il existe un tribunal administratif à Dijon et un tribunal administratif à Besançon, dont les ressorts sont définis géographiquement. En cas d’établissement public unique, avec un double siège, la question est insoluble.
Il est donc clair que le ministère ne pouvait pas accorder deux sièges à la Comue.
L’exemple parfois cité du « modèle » du Centre National des Ponts de Secours (CNPS) de Bourgogne Franche-Comté s’avère erroné : il s’agit d’un établissement public national, qui n’a qu’un seul siège et non pas deux. Il est certes organisé sous la forme de délégations régionales, par l’effet d’une déconcentration très classique, à l’image par exemple du CNRS ; dans ce cadre, il a bien sûr plusieurs délégations, dont la délégation Bourgogne Franche-Comté qui peut elle-même disposer de plusieurs locaux. Mais une délégation régionale n’est pas le siège de l’établissement public ; et comme elle-même n’est pas une personne morale (seul l’établissement public national dispose de la personnalité morale), il n’est évidemment pas possible de regarder ses locaux comme des sièges.
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Pourquoi le projet d’EPE dijonnais n’est pas pertinent
Le projet consiste dans la création d’un EPE regroupant l’uB et deux écoles dijonnaises : l’école supérieure de musique et l’école supérieure des arts appliqués de Bourgogne. D’autres établissements, tous dijonnais eux aussi, lui seraient « associés » (l’école de commerce BSB, les trois nouvelles écoles privées du campus, l’antenne dijonnaise de Sciences Po Paris, le CHU et le centre Leclerc de lutte contre le cancer) mais sans en être membres.
Le projet consiste donc à agréger, autour de l’uB, quelques établissements dijonnais sans que la plus-value concrète de cette association n’apparaisse réellement. L’EPE envisagé ne peut prétendre constituer à lui seul une nouvelle politique de site tant il exprime une volonté de repli sur soi. Le projet d’EPE “Bourgogne–Europe” n’a pas de légitimité régionale puisqu’il se coupe de la Franche-Comté ; localement, il faut noter que l’Institut Agro–Dijon, en Côte d’Or, et l’ENSAM de Cluny, un peu plus loin en Bourgogne, ont refusé d’y adhérer et même d’être associés.
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Pourquoi la politique de site ne pourra pas être portée par cet EPE dijonnais
Tout d’abord, parce qu’il s’agit d’un EPE « auto-centré », entièrement replié sur Dijon (aucun des établissements membres ou associés n’est implanté hors de Dijon) ; or la politique de site est nécessairement régionale (on rappelle que le site va jusqu’à Belfort et Montbéliard).
Ensuite et en tout état de cause parce que le président de l’uB Vincent Thomas a formellement accepté, dans la convention qu’il a signée en décembre 2023, de confier le portage de la politique de site en Bourgogne Franche-Comté à l’EPE régional, qui succédera à la Comue. L’EPE dijonnais, s’il voit le jour, sera donc seulement « associé » à la politique de site mais il n’en aura pas la maîtrise.
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Pourquoi avons-nous besoin de constituer un pôle universitaire régional fort
Parce que le législateur entend, par la politique de site qui infuse depuis les années 1990, faire émerger des pôles universitaires d’excellence de rang mondial. Il a consacré, pour cela, une obligation de coordination régionale des offres d’enseignement supérieur et des stratégies de recherche, sous peine pour les établissements qui n’entreraient pas dans cette logique de mutualisation de ne pas avoir accès à certains financements réservés à ces regroupements territoriaux. Si l’uB ne participe pas à l’EPE régional, elle court un risque de déclassement.
Pour ces raisons, l’uB doit s’engager dans la création d’une relation plus forte, plus structurée avec l’université de Franche-Comté, c’est-à-dire dans la création d’un établissement global commun. Il lui faut pour cela accepter de perdre un peu de ses prérogatives (à la mesure de ce que perdrait aussi ses partenaires) pour mettre en commun ses forces avec celles des autres établissements, sans risquer de perdre son identité.
Notre projet consiste donc dans la création d’un seul EPE régional, pour le site Bourgogne Franche-Comté, avec l’ensemble des anciens partenaires de la Comue et d’autres membres associés. En d’autres termes, l’uB doit renoncer au projet d’EPE dijonnais qui replie l’uB sur Dijon et devenir membre (membre de plein droit et non pas seulement établissement associé) de l’EPE qui succédera à la Comue afin de s’ouvrir véritablement à l’international et acquérir l’envergure nécessaire à l’obtention de financements structurants, permettant de déployer une politique de site forte. Le but est d’être forts ensemble, d’être visibles à l’international, et d’obtenir des financements significatifs pour nos chercheurs et nos étudiants.
Deux voies semblent possibles.
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L’uB, comme l’UFC, deviennent membres de l’EPE régional tout en gardant leur personnalité morale.
L’Université de Bourgogne et l’Université de Franche-Comté peuvent choisir, le temps de l’expérimentation, le statut d’« établissement-composante » qui leur permet de garder leur personnalité morale c’est-à-dire de ne pas fusionner.
La solution est permise par les textes : l’ordonnance de décembre 2018 prévoit qu’un EPE peut « regrouper ou fusionner des établissements ». Les universités étant des établissements, cette solution et possible.
Une telle solution permettrait aux deux universités de ne pas disparaître pendant le temps de l’expérimentation (deux ans), de décider des compétences qu’elles transféreraient à l’EPE et de celles qu’elles garderaient pendant ce temps, et de décider ensemble, à terme, de la voie à suivre : soit poursuivre vers davantage d’intégration parce que les choses fonctionnent bien ensemble (l’EPE pourrait alors se transformer en Grand Établissement), soit revenir en arrière en cas d’échec.
Comme son nom l’indique, l’EPE est expérimental : rien n’est à ce stade définitif et il est donc possible de revenir en arrière le cas échéant.
Lors de la 1ère réunion publique organisée par nos listes « Pour une uB solidaire, ambitieuse, forte et fédératrice / SGEN-CFDT », l’actuelle gouvernance de l’uB, représentée par quatre vice-présidents, et le directeur de l’ICB, ont contesté cette possibilité au motif que le ministère refuserait qu’une université intègre un EPE sans perdre sa personnalité morale.
Il est vrai qu’en pratique, contre la lettre de la loi, le ministère cherche à privilégier des EPE dans lesquelles les universités « fusionnent » au profit de la constitution d’un pôle d’excellence susceptible de rivaliser au plan international avec d’autres grandes universités. Il en résulte que dans les EPE déjà créés, l’université autour de laquelle se structure l’EPE renonce à sa personnalité morale. Par ailleurs, le ministère a refusé la création d’un EPE comprenant deux universités membres sous le statut « d’établissement-composantes » (ainsi l’« Université de Rennes », EPE, comprend l’Université de Rennes 1 et 5 écoles, mais pas l’Université de Rennes 2).
Notre réponse : dans la mesure où la loi n’interdit pas une telle configuration, il n’y a aucune certitude que le ministère refuse un montage statutaire de ce type pour notre région s’il est porté par les deux universités en même temps, et par leurs partenaires. La singularité d’un EPE réside en effet dans la très grande liberté statutaire que la loi offre pour sa création, ce qui permet de faire du « sur-mesure » afin de trouver la solution idoine aux besoins du terrain, de la région (pour déployer une politique de site). Or plusieurs arguments permettent de soutenir un tel projet, de nous battre pour cette solution qui serait une sortie de crise intéressante pour le ministère, d’autant que si le territoire couvert est vaste – il va de Nevers / Auxerre en passant par Dijon et Besançon jusqu’à Belfort / Montbéliard – il accueille des bassins de populations assez comparables (380 000 habitants pour l’aire urbaine de Dijon, 300 000 habitants environ dans l’aire Belfort / Montbéliard, 250 000 habitants pour l’aire urbaine de Besançon) et surtout des universités également assez comparables, qui ne seront pas suffisamment fortes séparément.
Si le siège de l’EPE restait à Besançon, une structure administrative significative, avec des services très fournis, pourrait être créée à Dijon. Les statuts pourraient également permettre d’envisager la création d’un CA avec un nombre de voix accordés aux établissements membres au prorata du nombre de leurs étudiants, critère qui permettrait à l’uB de retrouver un leardership et d’aboutir ainsi à un équilibre des forces, à un compromis nécessaire. Bref, des discussions sont possibles pour retrouver une voie commune dans le respect de chacun.
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Si le ministère n’acceptait pas cette première voie, l’uB pourrait devenir « composante » de l’EPE, comme le serait aussi l’université de Franche-Comté, ce qui entraînerait la disparition de leur personnalité morale mais pas de leur identité.
Dans l’hypothèse où un établissement renonce à sa personnalité morale dans le cadre de la création d’un EPE, il peut alors devenir une « composante » de l’EPE, et éventuellement conserver son périmètre initial.
L’uB pourrait ainsi, pendant le temps de l’expérimentation, accepter un transfert de ses compétences au profit de l’EPE qui deviendrait le niveau central mais imposer la rédaction de statuts organisant une « récupération » par l’uB de certaines de ses compétences, par la voie d’une délégation. En effet, un EPE peut déléguer à ses composantes l’exercice de certaines compétences.
Ce faisant, l’uB conserverait dans un premier temps son périmètre actuel et les compétences qu’elle aurait choisi de continuer à exercer (par exemple le recrutement et la gestion du personnel) : elle garderait son identité, et une large autonomie, tout en s’engageant au service d’une politique de site et en bénéficiant des financements associés.