Le Sgen-CFDT Bourgogne et la Fep-CFDT Bourgogne écrivent au rectorat dans le cadre du action nationale. Il est enfin temps de faire respecter le cadre de gestion spécifique aux AESH ! Retrouvez dans cet article vos revendications et des témoignages de collègues.
24 heures d’accompagnement doivent être payées 62%, Madame la Rectrice!
Suite à une enquête nationale, nous avons relevé vos revendications, vos priorités et nous les adressons aujourd’hui à la rectrice de l’académie de Dijon mais aussi au ministre de l’Education Nationale.
- Le mode de calcul du temps d’accompagnement et des heures connexes tel que stipulé au point 3.4 du cadre de gestion n’est pas respecté dans notre académie. Selon la formule indiquée, 24 heures d’accompagnement devant élève avec un contrat de 41 semaines, correspondent à une quotité travaillée et payé de 62 %.
- La possibilité et les modalités d’utilisation des 14h heures de fractionnement annuelles ne sont pas connues des AESH de notre académie.
- Le réexamen triennal de la rémunération prévu au point 2.6.2 du cadre de gestion n’est pas mis en œuvre de façon systématique.
- Les AESH de notre académie souhaitent pouvoir augmenter leur quotité de travail quand c’est possible, notamment en collège et lycée ou encore en comptabilisant les 10 minutes d’accueil en primaire (1h20 hebdomadaire) dans le temps d’accompagnement.
Les AESH, clés de voute de l’école inclusive (par Bruno Jay, enseignant INSPE, université de Dijon)
L’école inclusive est une idée généreuse. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions : c’est aussi une idée aux conséquences parfois dévastatrices. Nous en voulons pour preuve les conditions de travail des AESH.
Sur les AESH, repose pour une large part, l’effectivité de l’école inclusive.
Comment faire pour accueillir « les élèves à besoins éducatifs particuliers » et les élèves handicapés dans les classes ordinaires, et ainsi rendre possible le projet inclusif ? Une des solutions qui va s’imposer naturellement après le tournant de la loi de 2005 sera le recours à celles (pour l’accord de ce pronom j’ai conditionné le choix du genre au nombre) qu’on appelle aujourd’hui les AESH. Sur elles repose pour une large part l’effectivité de l’école inclusive.
Presque systématiquement les AESH sont victimes d’une maltraitance et d’une violence institutionnelle inouïe.
Comment l’école de la République les remercie d’être une des clefs de voute de ce dispositif ? Je crois qu’il est temps de sortir de l’euphémisation, toujours tellement tentante dès qu’il s’agit d’aborder le champ du handicap, et de répondre à cette question en osant les mots qui s’imposent au vu de la situation de cette profession : presque systématiquement les AESH sont victimes d’une maltraitance et d’une violence institutionnelle inouïe.
Le handicap ça n’est pas rien, surtout quand il concerne des enfants.
Car derrière les beaux cahiers des charges mis en avant au moment de l’embauche, il faut décrire ce que les AESH vivent sur le terrain. Sans aucune formation ou, ce qui est pire, avec une formation généraliste ridicule et inexploitable d’une demi-journée, peut-être deux pour les plus chanceuses, les voilà propulsées dans une classe à devoir gérer un enfant (ou plusieurs) souffrant d’un handicap parfois lourd. Or le handicap ça n’est pas rien, surtout quand il concerne des enfants. Ça ne laisse personne indemne, ça vient toucher en chacun des choses très profondes, des inquiétudes et des fantasmes d’anormalité, entre autres. Totalement démunies, les AESH doivent donc faire avec ces enfants, s’efforcer de coller à un projet éducatif, à des objectifs scolaires (elles ne sont pas non plus formées sur ce plan, cela va sans dire). Dans la réalité, leur travail consiste surtout à essayer comme elles peuvent de contenir ces enfants pour faire en sorte qu’ils ne dérangent pas trop l’enseignante (même règle d’accord que précédemment pour ce mot) et les autres élèves, parfois dans la hantise d’une nouvelle crise, toujours plus violente, toujours plus incontrôlable. Le propre du handicap étant bien souvent de ne pas se laisser circonscrire, d’être éminemment imprévisible, il conduit à faire échouer ces forcément maladroites tentatives pour contenir les déviances que produit le handicap. Elles n’ont parfois que leur corps pour faire barrage, souvent aussi leur douceur.
Ils contraignent ainsi les AESH à des objectifs hors de portée, eux qui ne tiendraient pas deux heures dans le quotidien qui est le leur.
On imagine mieux, du coup, dans quel état psychique elles finissent leurs journées, sans cesse confrontées à leur impuissance, avec la culpabilité qui va avec. A cela s’ajoute qu’elles sont souvent prises dans l’étau d’attentes contradictoires : il y a celles qui viennent de l’employeur, celles qui viennent des enseignantes, celles qui viennent des familles, celles qui viennent des spécialistes en charge de l’enfant (pédopsychiatres, psychologues scolaires, etc), souvent prompts à s’auréoler d’une « ordonnance » ou d’un diagnostique qui minore les conséquences du handicap de l’enfant en terme de capacités d’inclusion (cela est plus valorisant pour l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et permet de ne pas se retrouver en bute aux désirs des parents). Ils contraignent ainsi les AESH à des objectifs hors de portée, eux qui ne tiendraient pas deux heures dans le quotidien qui est le leur.
Bien entendu, les AESH n’ont droit à aucun soutien d’aucune sorte, du type ateliers d’analyse de la pratique, dispositifs d’aide qui sont pourtant la règle pour les personnels des institutions privées qui accueillent des personnes handicapées. Leur seul soutien est un salaire qui, au prétexte que l’institution n’est pas en mesure de leur fournir un quota d’heure équivalent à un temps plein, les condamne d’emblée à vivre au-dessous du seuil de pauvreté. La pressen’en fait pas ses gros titres, il faut dire qu’à une écrasante majorité ce ne sont que des femmes…
L’école de la bienveillance n’est pas bienveillante pour tout le monde, c’est le moins qu’on puisse dire. On ne peut même pas dire qu’elle oublie ses petites mains, ses sans-grades : elle les violente. Tout cela dans un silence impressionnant, que seule à ce jour l’action syndicale tente de briser.